L’utilisation du dessin, comme outil de compréhension de l’expérience corporelle, intéresse les chercheurs et cliniciens depuis plus d’un siècle. Parmi les plus connus, le célèbre dessin du bonhomme de Goodenough (1926), ou encore les pain chart employés par Palmer dès 1949 pour localiser les douleurs. Aujourd’hui, ces techniques d’investigations se renouvellent à travers un ensemble de matériaux visuels (Leavy, 2017; Rose, 2014, 2022). Elles se standardisent comme en témoigne la création de nouveaux outils comme le body awareness chart (ABC) (Danner et al., 2017) ou l’utilisation encore contemporaine des pain chart (Bernhoff et al., 2016). A travers le dessin, il s’agit de révéler ce qu’il n’est pas toujours possible de mettre en mot.
Dans la littérature, McCarthy et Muthuri (2018) identifient le potentiel des dessins comme méthode de recherche participative. Ils contribuent une participation significative en se concentrant sur "les sentiments et les opinions des individus sur des sujets sensibles" (p.158). Ces méthodes permettent ainsi de générer des données visuelles qui serviront de support aux discours des participants, tout en diversifiant les matériaux d’analyse pour les chercheurs (Leavy, 2017; Rose, 2014, 2022). Ces méthodes favorisent également l’accès à des couches de connaissances et d'expériences parfois difficiles à exprimer par les mots (Leavy, 2017; Toraldo et al., 2018).
Produits en 1ère personne, les dessins révèlent la perception consciente que le corps vécu se forge de l’activité du corps vivant (Andrieu, 2018, 2023). Cette activité du vivant tacite et souterraine (Gusdorf, 157) s’exprime sous la forme de sensations internes et d’émotions. Elle porte les traces des expériences passées, des blessures et des traumas. À travers ces dessins, les émersions involontaires de ces activités internes, sensibles et intimes prennent forme, couleurs, lignes et silhouettes. Cette production traduit alors la perception d’une manière inédite et devient l’opportunité d’une (re)découverte son propre corps.
Posons-nous la question : Quels usages du dessin de conscience au XXIe siècle ?
Centré sur ces différentes utilisations et approches du dessin de conscience, ce colloque international se déclinera à travers deux grandes rencontres thématiques :
1. Les méthodes et Pédagogies des dessins de conscience
A Paris (France), le 13 février 2025, UFR Staps de l’Université Paris Cité
2. La conscience émersive et théorie du corps,
A Kyoto (Japon), le 31 juillet 2025, Doshisha University
Colloque 1 :
Les Méthodes et Pédagogies des dessins de conscience
Paris 13-14 février 2025.
Organisation :
Marie Agostinucci (Université de Strasbourg), agostinucci@unistra.fr
Lisa Lefèvre (HEP, Vaud), lisa.lefevre@hepl.ch
Bernard Andrieu (Université Paris Cité) bernard.andrieu@u-paris.fr
Ce premier congrès ambitionne d’explorer la place du dessin comme outil méthodologique pour la recherche, la clinique ou encore la pédagogie. A travers le prisme de disciplines variées allant des sciences médicales aux sciences humaines et sociales, l’usage des dessins sera discuté. Plusieurs axes d’approche sont suggérés :
- Apports et limites de l’outil pour comprendre l’expérience corporelle : que nous apporte le dessin pour comprendre cette expérience intime et invisible ? Quelles en sont les limites ? Les propositions peuvent inclure des comparaisons méthodologiques détaillées et des réflexions sur les forces et les limites des différentes approches et outils.
- Dessin pédagogique :le dessin n’est pas toujours utilisé pour évaluer, parfois il est exploité comme support lors d’apprentissages ou de pratiques thérapeutiques (comme via un portfolio ou un carnet de bord). Dans ce cas, comment le dessin peut-il enrichir ou soutenir les apprentissages corporels ? Les contributions pourront fournir un éclairage pratique sur l’utilisation du dessin dans des contextes variés.
- Centralité des dessins dans la recherche : quelle peut être la place prise par le dessin dans la conception d’une étude (centrale, secondaire) ? Quels sont les impacts de l'utilisation de méthodes visuelles sur les résultats de recherche ? Quels sont les principes méthodologiques dans le recueil et l’analyse de ces données selon les publics, les pratiques et le positionnement des chercheurs ? Les participants sont encouragés à présenter des études de cas illustrant comment les dessins ont façonné la collecte, l'analyse et l'interprétation des données. Des contributions détaillant les critères de codage, les justifications des choix méthodologiques, et les adaptations nécessaires en fonction des contextes de recherche sont bienvenues.
- Défis éthiques et relationnels : Quels sont les défis éthiques, méthodologiques et relationnels rencontrés lors de l'utilisation des dessins de conscience ? Les participants sont encouragés à partager des expériences parfois intimes et traumatiques. Comment orienter la relation entre le chercheur/clinicien/pédagogue et le participant/patient/apprenant ? Comment assurer la confidentialité de ce type de données ? Quelles doivent être nos considérations en matière de précaution dans l’interprétation de ces données ? Les contributions pourront traiter des enjeux éthiques de la production et du traitement de ces informations sensibles.
Nous encourageons les chercheurs de toutes disciplines à soumettre leurs propositions, qu'il s'agisse de résultats de recherche, de réflexions théoriques ou de retours d'expérience. Les propositions de communication (résumés de 200 mots) doivent être envoyées avant le 15 novembre 2024. Pour toute question ou information complémentaire, veuillez contacter l'équipe d'organisation.